Le temple des oies sauvages

Tsutomu Mizukami

Philippe Picquier

  • Conseillé par
    30 août 2020

    Alors qu’il se meurt, entouré de ses élèves, les derniers mots du peintre Nangaku Kishimoto sont pour Satoko, sa maîtresse. Inquiet pour la jeune femme, le vieil homme la confie à son ami Jikai Kitami, le responsable du temple Kohôan. Satoko s’installe donc dans la partie résidentielle de ce temple qu’elle connaît bien puisque Nangaku y a réalisé de nombreuses peintures d’oies sauvages dont le réalisme est vanté par tous les visiteurs. Très vite, elle se lit à Jikai qui la convoitait depuis longtemps. Mais si les amants restent discrets, rien n’échappe à l’œil averti de Jinen, l’apprenti moine, second de Jikai. Cet adolescent au physique ingrat, pourvu d’une énorme tête sur un petit corps, inspire à Satoko des sentiments ambivalents, mélange de méfiance et de pitié. Elle s’émeut de le voir travailler du matin au soir, souvent brimé par Jikai, abandonné par ses parents, obligé de suivre un entraînement militaire en plus de ses corvées d’apprenti moine, mais en même temps, elle le soupçonne de les observer, elle et Jikai, lorsqu’ils s’abandonnent aux jeux du sexe. Pourtant, un jour, elle se laisse aller à le prendre dans ses bras pour le consoler. Un geste de pure compassion, mal interprété par Jinen qui décide de se débarrasser de son maître…

    Huis clos meurtrier dans un temple kyotoïte. Trois personnages pris dans les tourments de la haine et de la passion, du pouvoir et de la soumission, de la beauté et de la laideur.
    Même si Le temple des oies sauvages emploie quelques codes du polar, notamment la tension qui va croissant et, bien sûr, le meurtre, le roman s’en détache par sa résolution qui n’est pas le résultat d’une enquête policière mais dont l’explication est donnée en aparté par l’auteur qui ne s’embarrasse plus alors des codes mais livre telle quelle la résolution de l’énigme. Cette facilité n’est pourtant pas synonyme de déception tant l’écriture de Mizukami sait explorer la psychologie de ses personnages et dépeindre l’ambiance particulière qui règne dans ce temple. Entre Jikai, le moine libertin, la sensuelle Satoko et l’énigmatique Jinen se noue un équilibre que la jeune femme rompt d’un seul geste. Alors le pouvoir change de main. Jinen fait fi de son humilité, son obéissance, sa position au bas de l’échelle et commet l’irréparable. Revanche du faible sur le fort, du frustré sur le libéré, du serviteur sur le maître…
    Un beau roman, délicat et intriguant, qui vaut plus pour son ambiance typiquement japonaise que pour son étiquette "polar".