Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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1 février 2015

Guillaume de Fonclare est atteint d'une maladie auto-immune qui peu à peu l'immobilise, le contraint au fauteuil roulant ou à la marche avec béquilles. Il souffre, doit subir des soins autant désagréables que douloureux. Il a déjà écrit Dans ma peau et Dans tes pas. Dans Joë, il dialogue avec Joë Bousquet, lui parle en le vouvoyant et fait des analogies dans leurs souffrances, leurs manières de vivre, leurs difficultés à subir le regard des autres.

Mais jamais il n'est larmoyant, son récit est positif, il donne envie de découvrir l'œuvre de Bousquet, même s'il la juge énigmatique : "Je vous ai lu ; enfin, pour tout dire, j'ai lu tout ce que je pouvais lire, tout ce qui m'était accessible, car vous lire est difficile, ardu même ; votre prose est impénétrable pour qui n'a pas le courage d'entrer tout entier dans cette jungle sauvage et touffue, et il ne faut pas craindre d'être griffé et mordu, de se faire malmener par une langue qui n'a rien de commun ailleurs qu'entre vos pages." (p.17/18)

G. de Fonclare débute son livre par la guerre et la balle qui cloue Joë Bousquet, puis il revient en arrière sur sa naissance oh combien compliquée, puis sur ses années de jeunesse tumultueuses ; ensuite, on repart en guerre, puis logiquement on suit le reste de sa vie à Carcassonne, alité, sous morphine, opium et cocaïne. Joë Bousquet fréquentera les surréalistes, Max Ernst en particulier qui deviendra un très proche, lui qui fit la guerre également, mais du côté allemand. Puis Eluard, Aragon, ... Il fit partie des belles lettres françaises de l'entre deux guerres. Sans doute un peu oublié maintenant, la biographie de G. de Fonclare le remet en lumière avec l'intelligence de ne pas faire une hagiographie. J'aime bien le parti pris d'une sorte de dialogue -ou de monologue adressé à J. Bousquet. Le "vous" utilisé est à la fois révérencieux, poli, respectueux mais pas celui d'un admirateur borné : "Alors, entrer chez vous, c'était risquer d'aller trop loin, faire de vous une icône et entrer en dévotion, à chercher des traces de votre présence dans les lézardes des plafonds et les restes jaunis de papier peint. Je ne veux pas m'extasier sur d'autres reliques que vos lettres et vos poèmes." (p.103/104). G. de Fonclare n'est pas dans une recherche du petit détail croustillant qui ferait vendre ; comme Bousquet qui vivait rideaux fermés, il les entrouvre mais ne les ouvre pas en grand ; aurait-on besoin de savoir comment il pouvait se comporter dans l'intimité avec les femmes alors que ce qui nous importe c'est de comprendre comment ce jeune homme fougueux, tête brûlée est devenu un des grands écrivains de son époque, comment cette balle allemande lui a permis de vivre une autre vie ? Car cette balle le biographe en fait une chance au-delà des maux. Et lui Guillaume de Fonclare, sans sa maladie aurait-il écrit ? Peut-être mais sans doute pas avec autant d'acuité, de sensibilité et d'optimisme, car malgré le thème son bouquin n'est pas plombant, il est au contraire une ode à la vie et aux vies différentes que l'on peut vivre. Très belle écriture, à la fois simple et directe, qui cherche et trouve le lecteur au plus profond de lui-même.

A l'instar de G. de Fonclare qui quitte Joë Bousquet avec regrets : "Certes, vous aurez une place à part dans mon coeur, et il n'y aura guère de jours sans que je pense à vous, intensément. Mais nous serons séparés, éloignés, et mon cœur se serre à cette idée." (p.141), je referme le livre avec l'idée que tant l'auteur que son sujet me resteront en tête longtemps.

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1 février 2015

Présenté comme un roman présentant des portraits féroces et hilarants, ou comme "un roman absolument génial" par le journal Métro, je ne peux dire que ma vive déception. Je ne connais pas du tout l'auteur qui a écrit un roman dont on a beaucoup entendu parler, La Merditude des choses. Je m'attendais à du saignant, du décalé voire du loufoque et je tombe sur un roman finalement assez sage qui se contente d'aligner des anecdotes, des ruses de Désiré pour pouvoir faire croire à sa sénilité. Ce n'est pas toujours drôle, c'est souvent attendu. Je ne voulais pas du trash, je ne suis pas amateur du genre, j'aurais voulu de l'irrévérence, de l'insolence, de la profondeur.

Néanmoins, dans ma déception, j'ai tout de même repéré de belles pages sur le besoin de solitude, sur la religion (et oui, j'y reviens toujours), lorsque dans sa volonté de toujours diriger son mari, Monik installe une statue de Sainte Rita et un Christ dans sa chambre. "Mais un homme, et je parle de moi, qui a grandi dans une société ou la foi n'a pratiquement jamais été mise en question, et qui justement considère son agnosticisme comme une conquête, le produit d'une pensée active et intrépide, se sent tourné en ridicule quand on lui colle l'étiquette "catholique" sur le front.Je me suis senti escroqué philosophiquement (...) ça m'exaspère, nom d'un chien, d'être désormais enregistré sur la liste d'attente de la mort comme "croyant"" (p.91) C'est tout moi ça, sauf que je ne suis ni interné -pas encore- ni ne suis à l'article de la mort -de toutes façons, la mort, je suis contre- et je serais plutôt athée qu'agnostique selon la définition qui dit qu'un athée nie l'existence de Dieu alors qu'un agnostique ne se prononce pas sur une éventuelle existence ou pas d'un être suprême.

Déception pour moi, tant pis, un roman qui saura plaire à d'autres, puisque les goûts et les couleurs...

La cinquième enquête du Département V

5

Albin Michel

27,48
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1 février 2015

Ah, quel plaisir de retrouver Carl Morck et son équipe très étrange, même si cette fois-ci ils sont un peu en retrait, Marco étant le personnage principal de ce cinquième tome. Si par pur hasard, vous ne connaissiez pas les autres volumes de cette série consacrée au Département V, je vous livre ici les titres et liens : Miséricorde, Profanation, Délivrance, Dossier 64. Pas tous de valeur égale, je dis ici une petit déception pour le tome 2, je me régale quand même d'abord à l'idée d'ouvrir le livre, puis à l'avancée de l'intrigue et à la plongée dans la vie personnelle des flics.

Cette fois-ci, je suis un peu sur ma faim quant à ce dernier point. A part une rupture amoureuse, et quelques petits changements dans la vie quotidienne de Carl, peu d'évolutions au regard de l'épaisseur du bouquin (640 pages !). A ce propos, c'est un peu volumineux, certaines coupes dans les diverses courses-poursuites entre Marco et le clan Zola auraient été les bienvenues, bon ça n'aurait pas ôté cent pages, mais on aurait peut-être pu descendre sous les 600, ce qui fait déjà un lourd ouvrage. Ah si j'oublie quand même le départ du chef de la police avec qui Carl s'entend bien pour son remplacement par Lars Bjorn, un flic pour lequel Carl n'a que mépris, ce qui ne va faciliter ni son travail ni son humeur quasi éternellement maussade.

Ces réserves mises à part, j'ai dévoré ce polar. Jussi Adler-Olsen dresse un tableau assez noir de la société danoise : individualisme, indifférence, renfermement sur soi-même, corruption, gamins des rues exploités par des adultes qui se construisent un empire financier. La belle place est donnée à Marco, ce jeune gitan qui ne veut plus vivre dans ce monde mais rêve d'études et d'une vie honnête. Dans quelques pages, l'auteur flirte avec les stéréotypes : le clan de gitans voleurs, les homos précieux, c'est parfois dérangeant, mais c'est peut-être ma conscience et un certain angélisme qui me font réagir ainsi, d'autant plus que dans chaque communauté décrite, si certains sont très "clichés" d'autres sortent de ces stéréotypes.

Ceci étant dit Marco est un beau personnage, un jeune homme qui veut s'en sortir et souhaite plus que tout réussir sa vie en dépit de la manière dont elle a débuté. Il fera tout pour parvenir à réaliser ce rêve, courant beaucoup, se cachant, échappant tout le long du livre à ses nombreux poursuivants ; c'est parfois un peu rocambolesque, incroyable, mais si l'on se dit qu'on est dans un polar d'action, ça passe aisément. Car même si Jussi Adler-Olsen construit un roman qui critique la société de son pays, on est quand même loin d'un Henning Mankell -ou d'autres- qui font de vrais polars sociaux, Jussi Adler-Olsen est dans le divertissement avant tout. Et ça marche, il le fait bien. Il n'y a qu'à voir l'équipe de Carl : Assad un petit homme énigmatique venu de Syrie ou d'Irak sur lequel Carl peine à apprendre des détails de la vie ; Rose sans doute schizophrénique, gothique, embauchée comme secrétaire et qui déniche les affaires et les impose à son patron ; apparaît dans ce tome Gordon, un dégingandé mou et imposé par le chef haï qui intègre la petite équipe. On peut aussi parler du foyer de Carl : Jesper son beau-fils (son ex-femme est partie avec un hippie), Hardy son collègue cloué sur un lit suite à une fusillade qui a failli coûter la vie de Carl, Morten l'homme à tout faire de la maison et son compagnon Mika, kiné qui soigne Hardy. C'est totalement hétéroclite, foutraque, et ça donne de la légèreté à l'ambiance.

Côté intrigue, Jussi Adler-Olsen monte une combine de détournements de fonds par des hauts fonctionnaires et des banquiers, tous plus retors les uns que les autres. Elle tient en haleine tout au long jusqu'à la fin, notamment parce qu'évidemment les méchants veulent se débarrasser de Marco et que pour cela ils emploient les grands moyens : des tueurs des pays de l'est et même d'ex-enfants-soldats menés par une Mammy effrayante de cruauté. Des rebondissements, des surprises émaillent l'enquête qui aurait été trop linéaire sons cela, d'autant plus qu'en tant que lecteur, on est dans une position omnisciente : on connaît les avancées de Carl Morck, mais aussi les méfaits des uns et des autres.

A priori 11 tomes sont prévus, je signe déjà pour le sixième

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20 janvier 2015

J'ai déjà lu et beaucoup aimé un livre de Tom Lanoye dans le même temps que je le découvrais avec Troisièmes noces. Ce livre sur le passage de l'enfance à l'adolescence est comme l'autre, Tom Lanoye ne se censure pas, il aborde tous les points : l'amour, la masturbation, l'éveil au désir, l'homosexualité, la religion, ... Certains comme l'église en tant qu'institution ne sont pas épargnés, ni les gens de la classe moyenne qui veulent flirter avec ceux de la classe supérieure, ce qui était vrai à l'époque l'est encore aujourd'hui dans certaines villes, comme par exemple celle dans laquelle je vis où tous les notables et ceux qui veulent faire partie du sérail inscrivent leurs enfants dans les écoles privées à grand renfort de sommes considérables versées (une manière de déculpabiliser sûrement) et de contre-vérités rabachées -"ils sont mieux encadrés", "ils font moins de bétises", "ils étudient mieux", "on ne les laisse pas faire n'importe quoi", j'en passe et des encore plus gratinées tout autant que pures inepties ; je pourrais être très virulent sur le sujet, je préfère laisser la place à Tom Lanoye- : "Même si elle possède parfois moins de poids financier que les ouvriers qu'elle hait, la classe moyenne se damnerait pour pouvoir accéder à la bourgeoisie et si elle n'atteint pas ce but dans sa vie, c'est à sa progéniture de franchir le pas dans une vie future. La traite tirée sur cette vie future est l'éducation qu'elle achète dès maintenant pour ses descendants." (p.57),

Mais ce qui est tout le long du livre le sujet le plus important, c'est bien sûr la découverte de l'amour et du désir. Z. est attirant sans le savoir et même sans le vouloir, et Tom découvre sans s'inquiéter et sans questionnement particulier son amour pour les garçons, pour un garçon. C'est ce qui m'a surpris un peu cette absence de questionnement : dans les années 70, l'homosexualité n'était pas autant exposée que de nos jours, mais peut-être l'auteur a-t-il voulu juste parler de sa puberté, de ses attirances comme il aurait pu le faire s'il avait été hétéro, ce qui est à bien y réfléchir une bonne chose, c'est lorsque l'on ne se posera plus la question des différences qu'enfin on s'acceptera tous.

Toujours bien écrit, simplement, directement, ce bouquin est sérieux mais recèle quelques touches d'humour, comme lorsque Tom se décrit comme le stéréotype du Premier de la classe C'est un bouquin qui tout en étant direct est sensible et délicat, tendre et un brin nostalgique. Tom Lanoye nous prend nous lecteur en témoin de son enfance et nous demande même en final, de "participer" à son livre en remplissant nous aussi notre boîte en carton, celle des soivenirs que l'on garde précieusement en nous.

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20 janvier 2015

Je continue la série romanesque de JP Toussaint, Marie Madeleine Marguerite de Montalte. J'ai déjà lu et apprécié -voire plus- les tomes un et deux, respectivement Faire l'amour et Fuir. Trois grandes scènes dans ce pénultième tome : celle de l'attaque cardiaque de Jean-Christophe de G, celle de la tentative d'embarquement du cheval dans la soute d'un Boeing et celle de l'incendie à l'île d'Elbe. Cette île qui à nouveau est le dernier lieu du roman (comme Fuir), cette île -ou plutôt le trajet jusqu'à elle- qui est le moyen pour le narrateur de reconstruire l'histoire, de nous raconter des faits qu'il a vécus et d'autres qu'il imagine, comme par exemple l'attaque de JC de G -c'est également vrai pour l'embarquement du cheval- qu'il n'a pas vue mais dont Marie a pu lui raconter des bribes, son imagination ou ses recherches faisant le reste.

"J'aurais beau reconstruire cette nuit en images mentales qui auraient la précision du rêve, j'aurais beau l'ensevelir de mots qui auraient une puissance d'évocation diabolique, je savais que je n'attendrais jamais ce qui avait été pendant quelques instants la vie même, mais il m'apparut alors que je pourrais peut-être atteindre une vérité nouvelle, qui s'inspirerait de ce qui avait été la vie et la transcenderait, sans se soucier de vraisemblance ou de véracité, et ne viserait qu'à la quintessence du réel, sa moelle sensible, vivante et sensuelle, une vérité proche de l'invention, ou jumelle du mensonge, la vérité idéale." (p.165/166) Une belle réflexion sur la puissance évocatrice du roman, sur la vérité absolue : existe-telle ? Chacun n'a-t-il pas en lui sa propre vérité sur des faits dont il a été témoin ou acteur ? Son voisin, lui-même acteur ou témoin aura sa propre version, sa vérité. Dès lors quelle est la part de subjectivité dans tout rapport censé être objectif ? Ah ah, balèze comme question, n'est-il pas ?

Je ne suis pas d'un naturel morbide mais les deux scènes les plus marquantes pour moi sont celles de l'attaque cardiaque et le feu à l'île d'Elbe. Comme je l'écrivais récemment, je n'ai rien contre les chevaux -"pourvu qu'ils ne soient pas dans mes lasagnes", c'est si bon de s'auto-citer... l'article en question est là-, mais la scène de l'embarquement du cheval décrite par JP Toussaint m'a semblé longue et même le plaisir de lire de belles phrases ne m'a pas suffi, j'en ai passé quelques unes avant de revenir à des choses plus attrayantes. Car comme toujours chez l'auteur, je retrouve le vrai plaisir des mots, de la belle langue, de belles et longues phrases, très ponctuées avec un vocabulaire assez courant, pas de mots inconnus qui nécessitent d'avoir un dictionnaire proche. Et plus j'avance dans cette série, moins je sais où les deux amoureux nous emmènent, où ils veulent aller, mais ce sont de beaux personnages que j'ai plaisir à suivre sur une longue période, un peu comme des amis qui vivent une relation difficile que l'on suit de loin, en pointillé, parce qu'on n'a pas toutes les données, chacun nous donnant sa version de leurs séparations/retrouvailles ; à nous ensuite de nous refaire le film de leurs vies, et on revient donc à l'interrogation de JP Toussaint sur la vérité et l'invention.

Me reste Nue pour clore la série, j'attends la sortie poche.

NB : rarement prises en défaut de fautes grossières, les éditions de Minuit ont laissé une belle coquille p.188 : "J'allai fermer les robinets des bombonnes de gaz dans le jardin...". Il me semblait bien que bonbonne était une exception quant à la lettre "m" devant "m, b, p"... Ceci dit pour faire mon intéressant.