• Conseillé par
    9 février 2011

    Un roman intéressant

    Dès les premières pages nous entrons dans un roman foisonnant, à tout les niveaux : l’histoire, les lieux, les personnages, les flash back…

    Il s’agit d’un récit polyphonique. Six personnages prendront la parole et raconteront leur histoire avec plus ou moins de légèreté. Pratiquement tous seront amenés à se croiser ce qui rend le récit très intéressant !

    Dès les premières pages nous découvrons le Congo et ses rues, ses ambiances, ses bars. Tout est dense aussi bien l’atmosphère étouffante due à la chaleur que l’écriture de l’auteur qui a réussi quelquefois à me faire manquer d’air !

    Le lecteur est rapidement plongé dans l’histoire de l’Afrique et ses violences : le fantôme des guerres civiles entre les années 60 et 90, le génocide de 94 au Rwanda entre Tutsi et Hutu, le poids de la colonisation, les arrangements pétroliers au détriment de la population africaine, le viol, la polygamie illégale mais tolérée, la prostitution… Mais plus nous avançons dans le récit, plus nous nous retrouvons face à l’horreur du génocide rwandais.

    Ce roman nécessite beaucoup de connaissances concernant le pays (géographie, peinture, littérature, politique) et il m’a fallu me documenter à plusieurs reprises pour ne pas être perdue. Cela m’a permis d’apprendre beaucoup de choses et de me rendre compte de l’horreur du génocide rwandais.

    Le rythme du roman accélère au fur et à mesure que nous approchons de la fin, qui est d’ailleurs très surprenante !!

    Le petit plus : j’ai aimé la réflexion filée sur l’art et la littérature qui apporte au roman un peu de rêverie et de légèreté dans une histoire si lourde.


  • Conseillé par
    1 août 2010

    Vu d'Afrique.

    Un quadragénaire français ingénieur dans le pétrole,
    une ex-espionne de la DGSE sur le retour,
    une étudiante congolaise spécialisée dans la philosophie kantienne,
    un prêtre rwandais génocidaire...
    une japonaise "bleue"...
    ... et ceci n'est qu'un échantillon de la palette de personnages que vous croiserez dans le roman de Patrick Besson, "Mais le fleuve tuera l'homme blanc", qui a pour cadre le Congo de ces années 2000, mais pas seulement, puisque les événements qui en constituent la trame puisent leurs origines dans certains des épisodes qui ont marqué l'histoire de l'Afrique centrale au cours des trois dernières décennies.

    Je dois avouer avoir eu au départ un peu de mal à m'immerger dans ce récit, en raison de la personnalité de son premier narrateur (le pétrolier français), qui se présente dans un premier temps comme un homme plutôt insipide...
    Puis d'autres protagonistes prennent à leur tour la parole, chacun apportant sa contribution à l'élaboration de l'intrigue qui prend peu à peu tout son sens. Et il arrive un moment où le récit vous happe, à partir duquel il devient difficile de lâcher ce qui est à la fois un roman d'espionnage, un thriller politico-historique, et la relation de drames personnels.

    Ah, j'ai oublié dans ma liste le personnage principal de "Mais le fleuve tuera l'homme blanc"... c'est l'Afrique, une Afrique grouillante, caniculaire, sexuelle, dont Patrick Besson donne une image de carrefour du monde, où se retrouvent tous ceux qui, de par tous les continents, recherchent l'aventure, le profit et le pouvoir faciles, qui devient ainsi le théâtre d'intrigues et de manipulations politico économiques au relent de soufre.
    Une Afrique misérable et violente aussi, où l'on s'entretue, et où l'on a peu de chances d'atteindre l'âge adulte sans avoir contracter au mieux le paludisme, au pire le sida.

    Ce qui à mon avis fait la principale force de cet ouvrage est la maîtrise avec laquelle Patrick Besson construit son récit. A aucun moment je ne m'y suis sentie perdue, en dépit d'un contexte à composantes multiples, de la diversité des nombreux protagonistes, qui deviennent même des atouts du roman. Ils permettent en effet à l'auteur de porter sur les événements décrits différents regards, de les enrichir de points de vue parfois opposés, selon l'interlocuteur qui les commente, qui peut être tour à tour noir ou blanc, riche ou pauvre, hutu ou tutsi... victimes et bourreaux échangeant à certains moments leurs rôles.
    L'ensemble est empreint d'un cynisme désabusé, fustigeant l'hypocrisie des responsables politiques européens successifs (notamment français) qui dans cette Afrique post-coloniale continuent d'exercer, grâce à leur puissance économique, une influence intéressée, déplorant également la mainmise sur les richesses africaines de toutes les nations (américaines, et maintenant asiatiques, entre autres) qui continuent de faire du profit aux dépens de ce continent pauvre, avec l'appui de dictateurs locaux.

    En conclusion, "Mais le fleuve tuera l'homme blanc" est une fiction d'autant plus passionnante qu'elle met en scène notre monde d'aujourd'hui, sur lequel l'auteur porte un regard certes personnel, mais néanmoins fort intéressant.