Anaisthêsia

Antoine Chainas

Folio

  • Conseillé par
    26 juillet 2011

    Polar violent. Hémoglobine, viandes et os.

    Polar rapide : phrases très courtes, rythme des actions soutenu.

    Polar noir, sombre : héros désabusé, blasé, totalement déconnecté de la réalité.

    Polar atypique : écriture qui intègre des textes officiels, telle la norme concernant la "housse biodégradable Hygéral 100 avec une fermeture en nylon et drap absorbant confirmé au décret 8728 du quatorze janvier quatre-vingt-sept, article vingt-neuf, agréée par le ministère de la Santé et de l'Action humanitaire" (p.10), celle qui renferme les cadavres.

    Polar qui, mine de rien, fait un point plutôt pessimiste de la situation dans les banlieues, de l'intégration des noirs et autres personnes issues de l'immigration qui vivent dans les cités de ces banlieues.

    Polar qui parle de la revanche souhaitée des femmes. "Tu comprends maintenant ce qu'est le pouvoir. Le vrai pouvoir, le seul. Celui qui libère les entraves. Celui qui inverse les valeurs. Celui qui porte l'avilissement ultime. Celui que vous [les hommes] laissez échapper chaque jour et celui que nous [les femmes] gagnons. Vous avez déjà perdu une bataille qui n'a jamais existé. Nous n'avons plus besoin de vous. Ni pour jouir, ni pour faire des enfants. Ni pour manger, ni pour survivre. Ni pour faire nos courses, ni pour payer les factures. Ni pour l'éducation, ni pour le dressage. Ni pour la joie, ni pour l'accomplissement. Vous êtes des animaux en voie de disparition. "Une denrée périssable"[...]" (p.154/155)

    Polar qui parle des gens oubliés des médias et des conversations et de la littérature : les malades, les fous, les handicapés. On pourrait même parfois y voir la cour des miracles, tellement les descriptions d'Antoine Chainas sont noires.

    Pas vraiment gai, mais un style, une écriture, un angle de vue, des héros hors normes et originaux. Antoine Chainas scrute les bas-fonds, les perversions de la société, ses tentatives ou velléités d'intégrer tout le monde quelles que soient ses origines. Antoine Chainas, dont j'ai déjà lu Aime-moi, Casanova fait montre d'une oeuvre à part, loin des clichés et des modes actuelles. Il construit des polars très singuliers, et va au bout de ses raisonnements, quitte à choquer.

    Polar qui peut déplaire, qui peut dégoûter.

    Polar que l'on peut adorer ou abhorrer.

    Polar qui ne laisse pas indifférent. Assurément !