Vie et mort de Ludovico Lauter, roman

Alessandro De Roma

Gallimard

  • Conseillé par
    26 juin 2011

    Qu'il m'a été difficile d'entrer dans ce livre et de le continuer ! Je ne saurais pas vraiment dire pourquoi précisément. Peut-être le style de l'auteur, ou alors ses digressions très fréquentes, des réflexions en marge de l'histoire, sur la littérature, la liberté, sur la guerre, ... "La littérature, le langage, c'est la communauté, c'est la fraternité, c'est la noblesse même de l'âme humaine. Celui qui n'aime pas la littérature ne peut aimer aucun homme, parce que ce n'est pas du tout la vie en soi qu'il aime, mais seulement la sienne." (p.78/79)

    Et pourtant, il y a un je-ne-sais-quoi qui attire et retient le lecteur : l'humour, les portraits des personnages, une certaine fascination pour les ascendants de Ludovico Lauter tous plus ou moins "barrés". Bien décrits, ayant droit quasiment chacun à leur chapitre, ils expliquent la personnalité du héros. Les hommes sont peu glorieux, traîtres et faibles. Les femmes sont folles, mystiques ou jalouses. Par exemple, Hermann "l'Allemand triste", le père de Ludovico :"Comme beaucoup de ses compatriotes -et comme beaucoup d'Italiens, d'ailleurs- Hermann s'était fait à l'uniforme de son armée par lâcheté et par peur. Il avait ensuite découvert avec dégoût que le pouvoir, le droit d'accomplir n'importe quelle mauvaise action, l'enivrait" (p39)

    Ce roman dense retrace toute la vie des Italiens depuis le début du siècle dernier : une sorte de saga, le romantisme en moins, l'ironie en plus. Un roman linéaire, chronologique avec de brèves avancées dans le temps lorsque l'auteur revient à Ettore Fossoli, le narrateur, le biographe. Un roman qui fait naître un maître de la littérature italienne et mondiale, qui se plaît à en faire une vraie icône, qui malgré son aura se compromettra dans des livres moins bons, dans des émissions de télé annonçant le début de ce qu'on nomme désormais la télé-réalité. Alessandro de Roma prend un évident plaisir à faire et défaire ses personnages, à créer et détruire son intrigue à loisir. Il montre assez brillamment la force de la création artistique, romanesque, fictionnelle mais aussi ses faiblesses et notamment celles de dépendre de ses créateurs. Il prouve qu'un personnage de fiction, bien que de toutes pièces créé, peut influencer fortement et durablement la vie des lecteurs ou des spectateurs jusqu'à influer sur leurs comportements les plus intimes.

    Pour résumer un peu mon propos, que je ne sens pas forcément clair : un roman foisonnant, bien écrit, avec des personnages hauts en couleur, des situations incroyables, qui malheureusement souffre de longueurs et de digressions pas indispensables. Un roman qui, cependant recèle un charme et une attirance tels qu'il est difficile de le refermer avant la fin, malgré des passages que l'on peut passer rapidement, lire en diagonale. La fin -les cent dernières pages- est formidable et contribue grandement à ce que j'ai appelé plus haut une "certaine fascination". A découvrir.