Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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13 février 2023

C'est un roman qui débute comme une farce, une comédie avec un anti-héros dont on sent bien qu'il va lui arriver des aventures pas banales, ce qui ne l'est pas puisque lui-même l'est, banal, passe-partout, commun, quelconque, insipide... Le ton est léger, comme par exemple lorsque Jean Pratou veut demander un conseil à un collègue : "Je grimpe sur ma chaise pour voir ce qu'il fait de son côté du mur, si par hasard des lettres traînent sur sa table. Je le surprends la main dans le pantalon, un air visqueux aux lèvres, concentré sur les activités acrobatiques de deux blondes qui se déploient sur son ordinateur. Je baisse la tête vivement avant qu'il ne me surprenne. Je m'en voudrais vraiment de condamner ses choix esthétiques." (p.26) Ce qui rend ce passage drôle, c'est le langage soutenu pour décrire un événement trivial. Jean Pratou fonctionne comme cela, il n'a pas les codes de la vie en société, il vit seul, ne fréquente que son chat à trois pattes, Robert et Sehtou, le préposé au courrier d'avant Josette.

Et puis, Dorine Hollier, doucement, change de ton. Elle parle de la société de consommation, tant pour les biens que pour les services ou la culture si tant est que l'on puisse citer ce mot pour parler de certaines chaînes de télé. Le constat et la critique sont sévères et justes, comme cet animateur télé aux dents blanchies : "Mes chéris, mes amours, public adoré, merci d'être toujours fidèles à "l'émission qui dit tout" ! [...] Un tonnerre d'applaudissements m'assourdit de nouveau. Les gens sont debout, en révérence, ils hurlent mon nom, les bras tendus vers leur gourou..." (p.162/163). Ce besoin d'un homme à révérer, d'une idole n'est finalement pas si loin de la religion, d'une croyance aveugle en une entité ou en une personne... Brrr, ça me fait froid dans le dos.

"Pouf pouf, Dieu me tripote" comme disait Pierre Desproges, revenons à ce roman qui devient quasiment une tragédie dans son final, un peu longuet, mais toujours de bonne tenue. J'ai beaucoup aimé, c'est assez rare de passer de la comédie au tragique en 300 pages avec autant de plaisir de lecture. Dorine Hollier a su créer un personnage insignifiant, certes, mais très attachant, et qui paradoxalement, fait partie de ceux que l'on n'oublie pas facilement.

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13 février 2023

Emily est à New York, à une longueur de son objectif de vengeance. Jusqu'ici elle a pu éliminer tous ceux qui ont agressé sa mère. Il ne lui reste plus qu'un homme à entendre avant de l'éliminer. Et pas des moindres, puisque accompagnée de ses amies Susan, Vicky, Margret Mona et Lisa, elle se dirige vers Washington, vers William McKinley, le Président des États-Unis.

L'assurance d'Emily avait déjà vacillé un peu lors de ses précédentes rencontres avec notamment celle de Stanley Whitman. Elle avait alors appris que sa mère était encore en vie. Mais elle veut toujours comprendre les raisons de toute cette histoire qu'on lui raconte depuis des années.

Le mystère se lèvera donc sur cet ultime tome et Laurent Astier conclut sa série sur le même rythme qu'elle a débuté. Toujours très mouvementée, aventureuse, avec une héroïne particulièrement attachante autant dans ses débordements que lorsqu'elle semble baisser les bras, accablée, fatiguée.

J'ai chroniqué les 4 tomes précédents (Déluge de feu, Lame de fond, Entrailles, Ciel d'éther) et je ne peux que me répéter : cette série est excellente et originale : dessiner une femme, héroïne au temps du Far West, n'est pas très courant. Les hommes ne sont pas très glorieux, chacun cachant ou tentant de le faire, ses petites ou grosses bassesses pour ne pas dire plus.

Bref, maintenant que la série est finie, on peut la reprendre du début à la fin, histoire de tout bien se remettre en tête, et ce ne sont que purs moments de plaisirs.

Avant la chute - partie 1

Casterman

20,70
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13 février 2023

A priori, je ne suis pas amateur de science fiction... A priori, seulement, puisque j'ai bien aimé Kosmograd. Il y a d'abord un dessin que j'aime bien avec des changements de couleurs en fonction des moments de la journée, des lieux, avec dans l'ensemble, des couleurs vives, pas forcément au goût du moment -tant mieux- puisque ce sont davantage les tons sombres et neutres qui dominent notre quotidien. J'aime bien aussi l'alternance de cases de différentes dimensions, avec notamment celle de la page 55, où l'on voit Zoya et Paouk descendre un escalier du haut en bas, en continuant leur conversation, tout cela en une seule grande case.

Ensuite, les trois filles sont sympathiques, vives ; elles sautent d'aventures en mésaventures, de rebondissements en surprises... Bref, tout cela est fort bien mené et dynamique. Si le thème général n'est pas neuf, le ton employé par Bonaventure, moderne, coloré, vif avec de jeunes héroïnes le dynamise et le rend particulièrement attachant et attrayant.

Aucun doute que cet album satisfera les jeunes ados et pré et les plus grands itou qui fréquentent ma bibliothèque.

Albin Michel

20,58
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13 février 2023

Un face à face tendu. Elsa, une femme d'un âge certain, au passé révolutionnaire qui l'a contrainte à une longue cavale. Anton, homme plus jeune qui tente de comprendre Elsa, qui la traque même sans doute depuis des années.

Si vous entrez comme moi dans un roman sans rien en lire en amont, vous risquez d'être un peu désappointé par les premières phrases de celui-ci, ne comprenant pas où l'autrice veut nous mener ni même de quoi elle parle. Mais tenez bon, car il suffit de se laisser faire et bientôt, il est difficile de lâcher le livre. Claire Delannoy ne donne que peu d'explications -sauf à la toute fin, histoire de ne laisser personne sur le bord du chemin-, c'est le lecteur qui fait le lien entre ce que racontent Elsa et Anton et leurs attitudes. J'aime bien ce procédé. De courts chapitres, vus par Elsa. Un récit court, ramassé qui pourtant ne laisse rien de côté. Exit les longues théories, les discours oiseux, la logorrhéé. Claire Delannoy écrit un roman dépouillé et dense, épuré. Un face à face vital pour Anton et Elsa, inévitable. De ceux qui sont soit salvateurs soit emmènent vers la fin.

C'est fort bien écrit, très agréable à lire. L'autrice pousse ses personnages aux confidences, Elsa se livre comme jamais, fait le point sur une vie de cavale : les gens croisés, aimés, lâchés... idem pour les idées... C'est surtout elle qui parle, mais Anton a beaucoup à dire également, par les gestes, les attitudes. Et le lecteur a du travail de lien, d'imagination, un peu comme l'un de ces exercices que l'on croise parfois : il manque des lettres dans un mot, mais on le lit et le comprend aisément, et parfois même il faut relire plusieurs fois pour s'apercevoir que quelques lettres sont absentes parce que le cerveau a comblé les vides ou remis en ordre les lettres, de lui-même.

Ce roman débute ainsi : "J'ai toujours ressenti une détresse et une jubilation que je devais dissimuler sous l'apparence du détachement ou de la bêtise, lui dit-elle en détachant les mots, depuis ma toute petite enfance j'ai cru à ça, porter le masque de l'indifférence pour dissimuler la différence, faire comme si. C'était un écart constant, c'est devenu ma cotte de mailles et ma fatalité." (p.7)

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13 février 2023

Dans un village de la Creuse, Ernestine, à la veille de la guerre épouse contre son gré, Hector un homme bourru et renfermé. Contre toute attente, le couple va plutôt bien et vieillit sans enfant. Il tient l'épicerie du village de Saint-Avre. Devenus âgés, Ernestine et Hector voient arriver dans leur village des jeunes gens des îles, orphelins ou de familles pauvres, arrachés à leur lieu de vie, à leurs amis pour venir repeupler les villes de métropole dont la démographie chute.

"Jusqu'à une certaine date, les transferts concernèrent les enfants orphelins, délaissés ou délinquants. On les débarquait sur le tarmac parisien, sans souci de leur habillement inadapté, de la fatigue occasionnée par le vol, des inquiétudes qui se lisaient sur les visages, sans souci des pleurs, des questions, sans souci de leur faim, de leur soif, de leurs bagages qui se perdaient, sans souci des ordres qu'ils peinaient à comprendre." (p.66)

Sur une pratique odieuse et lamentable qui eut cours de 1962 à 1984 -mais comment, en haut lieu, certains ont pu penser que des enfants déracinés de force pourraient s'épanouir ?-, Ghyslène Marin qui fut l'une de ces enfants, construit avec son fils Léo un roman certes riche et fort, mais un peu long, qui ne m'a pas totalement convaincu. Et pourtant le thème m'intéresse particulièrement : les enfants déplacés, arrachés à leur lieu de naissance, auxquels on va demander de changer d'environnement, d'amis, d'habitudes, qui quittent le soleil et la chaleur pour le froid, qui subissent racisme, délit de faciès par les bons Français de souche comme disent certains -expression nullissime qui ne veut rien dire, mais rapporte des voix aux élections- comme si les élever en métropole était forcément une chance pour eux.

Je m'ennuie un peu dans ce roman, c'est la forme qui ne me sied point, plus que le fond. J'aurais tant aimé l'aimer...

Bref, un roman pas pour moi, mais aucun doute sur le fait qu'il trouvera du public, le plus large possible.