Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

27,48
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22 février 2015

Pour le premier tome, sobrement intitulé Yeruldelgger, j'avais écrit en gros caractères un message du genre : "Lâchez vos livres et prenez immédiatement la direction de la Mongolie !" Pour le second tome, je vais tenter plus original : "Lâchez vos livres et prenez immédiatement la direction de la Mongolie !". Deuxième tome tout aussi bon que le premier, très différent et finalement assez ressemblant. Je m'explique. Ressemblant, parce qu'on est dans les mêmes lieux : Oulan Bator la Mongolie moderne, terriblement polluée, ville dans laquelle respirer est synonyme de s'empoisonner et les grands espaces blancs pour cause d'hiver dans lesquels vivent les nomades selon les rites des anciens mais avec des moyens modernes (portables, téléviseurs, Internet, ...). Ressemblant également parce que les personnages reviennent : Yeruldelgger bien sûr avec son sale caractère, son côté blasé, désespéré ; Solongo la médecin légiste, sa compagne : Oyun sa coéquipière qui se remet doucement de la violente agression du tome précédent (un an auparavant) ; Batulga le jeune garçon des rues ; Saraa la fille de Yeruldelgger.

Différent parce que pendant une très longue parenthèse, Yeruldelgger laisse la place d'abord à Oyun, puis à Zarzavadjian, un flic français qui enquête du côté du Havre sur des trafics divers et se retrouve mêlé à l'intrigue mongole. Zarza, c'est un peu le Yeruldelgger français, il ne s'embarrasse pas trop des procédures, se joue des autres flics et suit son intuition. Pendant ce long moment, les paysages changent et les coutumes itou. Lorsque Ian Manook fait évoluer les flics mongols, il décrit leurs lieux de vie, les paysages, les us, les spécialités culinaires très différentes des nôtres (mouton, thé salé, mouton, thé au beurre rance, lait de dzum -femelle yack-, lait de jument). La Mongolie est un pays qui m'attire... sauf pour sa cuisine qui m'effraie un peu. Lorsqu'il fait bouger Zarza avec un journaliste normand, on a le droit aux spécialités du coin avec beaucoup de crème, de beurre, de pommes, enfin que des bonnes choses... je me dis que je devrais visiter la Mongolie avec des spécialités normandes...

Très bien vues ces plongées "totales" dans les pays que Ian Manook nous fait visiter. On peut aussi rajouter le contexte géo-politique, historique qui donne du corps à un roman noir déjà bien charpenté. Fort bien documenté et maîtrisé ce livre est instructif et divertissant.

Ce que j'aime aussi, ce sont ses personnages, bien décrits, forts et faibles, humains quoi. Ils font des bêtises qu'ils paient comptant en général, se mettent dans des situations périlleuses desquelles il se sortent péniblement, souvent aidés par des collègues, des hasards ou des loups (très belles pages sur ces animaux, un côté chamane, un peu irrationnel, qui m'a bluffé et emballé). Et puis cette violence omniprésente, c'est un vrai coup dans la figure. Le premier tome l'était déjà, celui-ci encore plus il me semble. Yeruldelgger est colère. Un polar qui déménage, qui semble partir un peu dans tous les sens et qui revient toujours à l'intrigue principale et à ses personnages. Pour contrer cette violence, quelques passages drôles, comme cette parodie mongole des Tontons flingueurs dont je vous livre un très court extrait : "Je vais te montrer qui c'est, Rebroff ! Aux quatre coins de la toundra qu'on va te retrouver, congelé par petits bouts, façon glace pilée. Moi quand on cherche le brassage, je cogne plus : je slap shot, je drop le puck, je pète la rondelle !" (p.294) Bien d'autres passages sont écrits plus légèrement mettant en scène par exemple un gangster intellectuellement limité qui veut faire de la psychologie, on en oublie presque qu'il est en train de tuer un homme.

Je ne sais pas si Yeruldelgger reviendra pour une troisième aventure ou s'il s'arrêtera sur cette seconde épopée. S'il ne tenait qu'à mon désir de lecteur, il reviendrait bien sûr avec une enÔrme envie et un plaisir tout aussi gros. S'il raccrochait là, je serais déçu. Franchement. Avec tous mes compliments, s'il ne revient pas...

Christophe Lucquin éditeur

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22 février 2015

Roman très perturbant. Non pas que je sois prude et que l'évocation du sexe m'effarouche ou que je souffre d'éreutophobie à la moindre phrase parlant d'onanisme ou de pratiques sexuelles diverses. Non, ce qui est dérangeant, c'est qu'Ada est, au début du roman, une très jeune fille, et qu'elle parle très directement de son rapport de séduction aux hommes. Ça peut mettre mal à l'aise. Bien sûr les enfants ont une sexualité, mais je ne me suis pas senti très bien au début du livre. Un vieux reste sans doute de mon éducation chrétienne dont je ne me suis pas totalement débarrassé. Les thèmes de prédilection d'Ana Clavel sont le corps et le désir, comme j'avais pu le constater avec un roman précédent : Les violettes sont les fleurs du désir. Elle reste donc en plein cœur de ses préoccupations.

Mêmes thèmes, même auteure et même constat pour moi. J'avoue être passé sans doute à côté d'une partie du texte. C'est très beau, on lit de belles pages, les fleurs sont très présentes : les violettes, les orchidées et bien d'autres, le sexe itou. Les odeurs des unes et de l'autre sont également décrites, elles peuvent se rapprocher. Je me suis demandé si j'étais dans un roman ou dans un long poème. Une sorte de fable poétique et érotique. L'écriture est belle, sensuelle, féminine, qui s'attarde sur les sensations d'Ada, ses sentiments, son désir, son souhait de vivre des expériences pour enrichir son corps et son esprit.

Le langage est direct et en même temps très imagé, érotique et pas du tout porno ; Ana Clavel use de mots francs mais les nimbe d'une légère brume pour les rendre plus désirables. J'écrivais un peu plus haut que j'étais sans doute passé à côté de ce conte, mais je dois reconnaître que c'est un texte captivant, envoûtant qui ne m'a pas laissé indifférent -ce qui est une excellente chose quand on parle littérature- et que je n'ai pas pu abandonner avant la fin -ce qui est un bon signe, parce que si le texte ne me plaît pas, je ne me force pas.

A découvrir, ce roman dans sa belle livrée blanche et bleue

Elisabeth ALEXANDROVA-ZORINA

Editions de l'Aube

25,18
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12 février 2015

Une très belle surprise que ce roman russe, écrit par une eune femme (née en 1984) qui connaît bien la région qu'elle décrit puisqu'elle y a grandi. La péninsule de Kola, au-delà du cercle polaire a été abandonnée après la chute du mur, elle est désormais une région polluée par l'enfouissement de déchets radioactifs.

Qui aime les romans d'aventures avec des personnages fous, décalés, des rebondissements, sans oublier une vision de la Russie actuelle sera ravi. Même si parfois quelques longueurs ou quelques répétitions de figure de style envahissent le texte, l'ensemble se lit avec plaisir et gourmandise.

La critique de la Russie actuelle est inscrite dans ce roman, tant dans la pauvreté voire le dénuement de certains, la difficulté à vivre dans un pays corrompu dans lequel l'argent que détiennent seulement quelques uns fait loi que dans la corruption, la concussion. La peur règne, entretenue par les mafieux, les truands : "On voyait tant de choses chaque jour au poste de police qu'on pouvait en perdre la vue mais seuls les murs avaient des oreilles ; les conversations sur la pègre se tenaient dans des bureaux sales et enfumés et le soir, quand le poste se vidait, la vieille femme de ménage les balayait avec la poussière si bien qu'elle savait tout ce qui se tramait dans la ville. Quant aux policiers, ils oubliaient ce qu'ils entendaient en moins de temps qu'il ne leur fallait pour remplir les procès-verbaux." (p.108)

"Tout est pourri au royaume de Poutine" pourrait-on paraphraser. C'est un peu vrai si on lit ce roman, mais pas tout à fait, car Elisabeth Alexandra-Zorina trouve les mots pour parler de la forêt, des Samis qui y vivent, de la nature, de Férosse qui est un homme simple et bon, naïf et foncièrement honnête. Elle oppose ces deux mondes, celui de la Russie traditionnelle, celle qui fait perdurer l'âme russe et celle qui s'est occidentalisée, qui a laissé le meilleur du progrès aux mains de quelques uns qui en abusent sans partager et qui manipulent les plus petits : "Il disait que les gens croyaient plus à la télé qu'à leurs propres yeux ; le voilà, qu'il disait, le miracle de la technique !" (p.193)

Un roman salué en quatrième de couverture par Bernard Werber "avec un univers d'une originalité typiquement russe." et par Zakhar Prilepine, agitateur politique notoire en Russie et écrivain : "Voici un roman social original et brillant sur la Russie actuelle, écrit dans une prose puissante par une jeune femme pleine de talent."

Avis partagé à 100%, j'ai juste un peu développé pour remplir les lignes du blog. Je le redis en conclusion : très belle surprise que cet excellent roman entre roman social, roman noir et roman d'aventures.

Wiaz

La Différence

20,70
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12 février 2015

D'octobre 2002 à janvier 2015, Wiaz dessine l'actualité du futur, puis du présent puis de l'ex-Président. De sa nomination au poste de Ministre de l'Intérieur à son élection à la tête de l'UMP en passant par sa victoire de 2007 et sa défaite de 2012. 150 illustrations, mordantes, caustiques, drôles, désespérantes, sarcastiques, critiques, ... et je pourrais ajouter plein d'adjectifs en "ique"... Pour rappel en 2002, Jacques Chirac est Président et Jean-Pierre Raffarin Premier Ministre.

Ce livre, ce sont les dessins que Wiaz a publié dans Le Nouvel Observateur pendant cette période. C'est assez drôle de le lire maintenant, parce qu'on voit la caricature de Nicolas Sarkozy tremper dans les affaires, écouter les Le Pen pour leur piquer leurs idées, marcher au pas des États-Unis de George Bush, réintégrer l'OTAN en costume de serveur, filer le parfait amour avec Carla, être à la botte des Chinois et d'Angela Merkel et même de W. Poutine, ... Il est comparé plusieurs fois à Joe Dalton, le "petit homme excité" (dixit un Indien qui lit des signaux de fumée). Ses rapports avec son Premier Ministre sont bien vus : sur un dessin, il écrase F. Fillon en posant innocemment la question : "Quelqu'un a vu Fillon ??" (juin 2007) et ce dernier lui répond quelques pages plus loin ((septembre 2007) : "La rentrée de Sarkozy... AH BON ?? Parce qu'il était parti ??"

Wiaz le dessine en "bonne" -chacun jugera de l'usage de ce terme- compagnie : B. Hortefeux, F. Fillon, L Ferry, Carla, G. Bush, A. Merkel, Kadhafi, D. de Villepin, J. Chirac, .... C'est un humour vache qui fait mal à rebours lorsqu'on voit tout ce qu'on a avalé et subi de la part de cet homme qui veut nous refaire le coup dans deux ans (et là, je suis correct, parce que je voulais écrire un truc plus vulgaire du genre "qui veut nous la remettre profond dans deux ans", mais comme je suis un garçon poli et bien élevé, je ne l'écris pas). Quand je pense que certains veulent son retour, ça me laisse pantois. C'est de l'aveuglement ou bien du masochisme ou bien les deux, une nouvelle maladie -ou perversité- la maso-cécité.

Françoise Samsoën

Ravet-Anceau

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12 février 2015

Roman assez étrange qui mélange une atmosphère fin 19° /début 20° siècles avec cette famille de riches bourgeois vivant dans une belle maison, servie par des "gens" à son service, pour certains depuis leur plus jeune âge et des flics modernes avec des ordinateurs et une profileuse. On est entre un roman à la Agatha Christie avec ses ambiances sages et surannées et des flics aux méthodes modernes. Tout le long de ma lecture, je n'ai pas me départir d'une sensation de déjà vu ou déjà lu ; je suis sûr d'avoir rencontré le même genre d'histoire au cours de ma longue vie de lecteur, mais ni le nom de l'auteur ni le titre de l'oeuvre ne me reviennent en souvenir.

C'est rageant ! Le départ est un peu confus avec plein de personnages, tant dans la famille du bébé retrouvé mort que dans les policiers, qui interviennent : je me perds. Puis, petit à petit, tout rentre dans l'ordre, et l'on est capable de replacer tel ou tel selon son appartenance et ses liens familiaux ou autre. L'enquête est dirigée par le commissaire Pollaert, mais d'autres y mettent leur grain de sel : Zélie la profileuse, Laura la fille du commissaire, Régis ami du commissaire, professeur et passionné des histoires des grandes familles locales. Tout cela donne du dynamisme au récit et y ajoute côté très humain : chaque intervenant est vraiment présent, joue avec les amitiés, les inimitiés. Toutes les pistes sont suivies, les satanistes, l'accident, les demandes de rançon. Les vies de tous les suspects sont disséquées, analysées, et c'est d'ailleurs ainsi que les flics trouveront la solution.

Ecriture classique, propre, sans chichi et sans défaut. Ce roman est bien agréable, l'auteure sachant distiller des indices ça et là, et même lorsqu'on devine le nom du coupable, on se questionne sur les raisons qui l'ont poussé à agir ainsi, les réponses arriveront en toute fin d'ouvrage, assez originales, je dois dire. Quelques maladresses cependant dans les conclusions de fin de chapitres, en plein milieu d'une action : "Elle allait porter le breuvage à ses lèvres quand un cri perçant figea son geste." ou par une phrase censée laisser le suspense en suspens (jolie celle-là) : "S'il avait su lire l'avenir dans les astres, Pierre n'aurait certainement pas été aussi enthousiaste." Et puis, un dénouement rapide, trop rapide (une seule petite page) qui ne répond pas à toutes les questions, une peu comme si l'auteure avait voulu se débarrasser d'une fin qu'elle ne savait pas comment mener. Malgré tout, c'est un bon polar, comme très souvent dans cette maison d'édition.