Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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20 janvier 2015

Il y a longtemps que j'attendais de lire cette bande dessinée, depuis que j'avais découvert les éditions Sixto avec Les voleurs de cerveaux. Ensuite, l'éditeur, puisque j'ai "liké" sa page facebook, m'alléchait avec des teasers sur cette BD. Puis, j'ai eu l'occasion de lire d'autres livres mais l'idée est restée. Alors Noël arriva et l'occasion de la mettre sur ma liste... Voilà comment je me retrouve donc avec cet album dans les mains. Vous savez tout de ma vie.

Point n'est besoin de connaître la littérature de Pierre Mac Orlan avant de tourner les pages, la preuve, il me semble bien n'avoir rien lu de lui. Je connaissais son nom, mais c'est tout. Autant dire que maintenant, j'ai très envie de découvrir son œuvre.

Pour l'intrigue (Arnaud Le Gouëfflec), vous imaginez un bouquiniste peut-être retors, un jeune home thésard et admirateur de Mac Orlan, une belle fille, Marguerite toujours prête à aider son prochain surtout si ce prochain est poursuivi par le commissaire Bourrel qu'elle exècre, un taggueur Teuz et vous les mettez tous dans une même course au trésor, car trésor -sans doute cet inédit de Mac Orlan- il y a. A cela vous ajoutez la ville de Brest, la nuit. Une nuit infinie.

Pour le dessin, des couleurs sombres, nuit oblige ; les couleurs vives sont la robe de Marguerite et le manteau de Bourrel plus quelques lumières ici et là dans une ville la nuit. Dans son article sur cette BD, Marie-Florence des huit plumes parle des dessins de Briac comme de "tableaux, assemblés les uns aux autres pour constituer un album." Je n'aurais pas dit mieux, je cite donc...

Le tout donne un album excellent, original, assez loin de la production habituelle, qui parle littérature et aventure et même littérature d'aventures.

Pour les références à l'œuvre de Mac Orlan, je les imagine plus nombreuses que celles expliquées par Marin ; il y en a sans doute de cachées que les connaisseurs trouveront. Pour les autres, comme moi, cette bande dessinée est une belle entrée dans l'œuvre de Pierre Mac Orlan qui ne demande qu'à être confirmée par la découverte de ses romans.

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20 janvier 2015

Comme beaucoup, je connais Michel Butor par La modification, roman lu il y a longtemps. Je ne savais pas ce qu'il écrivait depuis, mais après la lecture de ses conférences, j'ai très envie de découvrir ses écrits. Il commence par la guerre et son désir de jeune homme de lire, mais "le savoir était confisqué. Le savoir était quelque chose qui avait existé autrefois et qui existerait peut-être encore un jour, mais pendant ces années-là c'était la nuit et le mensonge." (p. 16), puis à la fin de la guerre le fossé se creuse entre les générations, les gens d'un certain âge veulent oublier et revenir à ce qu'ils avaient vécu avant et les plus jeunes veulent dépoussiérer l'empire colonial, découvrir d'autres horizons.

Pendant la guerre, Michel Butor réussit à intégrer un groupe d'intellectuels qui se réunit en secret, dans lequel il se liera avec Michel Carrouges son "initiateur en surréalisme" qui lui fera connaître entre autres André Breton.

Puis, professeur de français à l'étranger, Michel Butor écrit, se pose des questions et cherche des réponses sur sa manière d'écrire. La longueur des phrases par exemple, lui qui en fait de très longues que certains lui reprochent : "j'ai étudié la littérature française pour voir si nos grands écrivains écrivaient toujours avec des phrases courtes. Il suffit de poser la question pour s'apercevoir que cette histoire de phrases courtes, c'est un mirage entretenu pour des raisons idéologiques qu'il vaudrait la peine d'étudier, mais qu'en réalité les grands écrivains ont toujours su utiliser des phrases longues quand ils en avaient besoin." (p.91) Suit alors une étude de quelques pages sur l'utilité de construire de longues phrases, sur la manière de les écrire, d'agencer les mots en icelles, voire même de les présenter dans le livre. Et ainsi de suite, Michel Butor explique sa vision de la littérature et sa création littéraire.

C'est un bouquin passionnant sur de nombreux sujets, parfois un peu moins mais, ce n'est pas grave, j'ai passé les quelques rares passages qui ne m'intéressaient pas. Les paragraphes sur la traduction, sur les différentes langues avec notamment des explications des livres de James Joyce ou de Samuel Beckett sont extraordinaires. J'aurais pu aussi parler des voyages de Michel Butor, de sa volonté de les écrire de manière très personnelle, de ses avis sur l'Europe (de 1993), de son amour pour la musique, la peinture, les arts en général et sa manière d'en parler ou de les écrire et les décrire, mais je vous laisse découvrir tout cela dans ce petit bouquin, format poche, 310 pages, aérées, coupées en chapitres très "paragraphés", ce qui fait qu'on peut le lâcher et le reprendre aisément sans perdre le fil. Un ouvrage à poser pas loin dont on grappille des pages entre deux autres livres et qui donne envie de lire d'autres livres de l'auteur. Pas sexy a priori, c'est un livre qui se découvre avec grand plaisir.

Churchill et son père

Albin Michel

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20 janvier 2015

Churchill est un personnage fascinant, j'avais beaucoup aimé, le livre de Michael Dobbs, Churchill à Yalta. La Pologne trahie, dans lequel, entre roman et réalité, l'auteur le met en scène. Récemment, je ne sais plus sur quelle chaîne de télévision, j'ai vu un reportage à lui consacré fort bien fait, une biographie filmée. Une biographie écrite me tentait aussi, ainsi que lire Frédéric Ferney dont je n'avais pas encore eu l'occasion de découvrir la prose. Hélas, je ne parviens pas à entrer dans l'écriture de l'auteur, très lyrique, l'écrivain s'emporte, s'enthousiasme monte dans les tours rapidement, à tel point que je lui demandai intérieurement de redescendre -mais il ne m'entendit point.

Et puis la chronologie n'est pas respectée, je ne sais plus où j'en suis parfois. La narration me perturbe, des dialogues sont insérés sans prévenir, qui m'ont considérablement gênés, m'ont empêché de bien comprendre le propos ; bref, pour être franc, je n'ai pas aimé ni l'écriture de l'auteur ni l'angle qu'il a choisi pour parler de W. Churchill.

Je tente de continuer ma lecture, mais je m'enfonce, alors je feuillette jusqu'à la fin, tombe sur les remerciements et sur une note bibliographique qui débute ainsi : "Ce livre n'est pas une bibliographie -il y en a mille !" Zut alors, c'est ce que je voulais moi, "Dans ce récit lacunaire" [Rezut, je n'aime pas les récits lacunaires] "dont Winston est le héros, je me suis -parfois- inspiré de son biographe le plus lucide et le plus consciencieux, William Manchester, et de quelques récits de Churchill lui-même. [...] Je n'excuse pas sa violence ni ne méconnais tous les coups tordus qu'on lui prête." [Ah bon ? Aurais-je raté un chapitre ?] Je ne le défends pas, il est indéfendable ; je l'écoute, je m'efforce d'entrer dans son âme. Je ne suis pas son avocat, je suis son scribe."(p.255) Evidemment, vu sous cet angle, ce livre n'est pas pour moi, qui gomme toutes les facettes désagréables de Churchill, alors que justement, il est plus humain selon moi avec ses travers, ses "coups tordus". On peut admirer un homme surtout s'il est Churchill, mais pas au point de n'écrire que sur ses qualités et sur son engagement ou sur son sale caractère et sa soif de reconnaissance paternelle qui lui ont permis de se faire un nom dans divers domaines, il en eut des qualités certes et de nombreuses, mais de là à faire un panégyrique...

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20 janvier 2015

Ce n'est pas un guide pour savoir se conduire dans une grande surface, ni un reportage à l'intérieur d'un grand magasin pour en découvrir les arcanes. Aucune remarque sur les pratiques marchandes parfois douteuses de la profession. En tant que tel, on ne lit rien de vraiment nouveau pour peu qu'on fréquente les hypermarchés. Annie Ernaux écrit son journal comme chacun d'entre nous consommateur pourrait le faire, mais elle se focalise sur l'humain, sur la clientèle, sa manière de se mouvoir, de se saisir d'un objet, de se parler, de rester dubitatif devant une offre commerciale ou un trop grand choix de denrées. Le centre commercial des Trois-Fontaines est le plus grand du Val-d'Oise, très fréquenté, on peut y accéder par quasiment tous les moyens de transport possibles (RER, à pieds, par l'autoroute, ....), il offre également une amplitude horaire d'ouverture très large, tout cela facilitant une forte fréquentation.

Annie Ernaux décrit ses visites au Trois-Fontaines, on frise le quotidien, le banal, mais toujours une réflexion ressort qui élève la stricte description de la liste des courses. C'est par exemple le questionnement sur le fait d'écrire "Une femme noire en longue robe à fleurs...", est-ce important de préciser la couleur de sa peau ou juste le fait qu'elle soit femme : "Je suis devant un choix qui, singulièrement aujourd'hui, engage la lecture qui sera faite de ce journal." (p.21) ; ou alors cette autre réflexion lorsque l'auteure se retrouve à faire ses courses un soir après 20 heures et que les allées du centre commercial sont fréquentées par des étudiants ou des "femmes en longues robes et voiles amples toujours accompagnées d'un homme.", des gens chics que l'on ne voit pas en journée se mélanger aux 130 nationalités que compte Cergy, alors Annie Ernaux conclut son paragraphe : "Depuis quinze ans, ce n'est pas la présence des "minorités visibles" que je remarque dans un lieu, c'est leur absence." (p.38) Dire que c'est l'absence des différences qui marque me plaît particulièrement surtout en ces moments ou la peur et la haine des autres montent un peu partout dans le monde ; on ne s'enrichit que dans le métissage et dans la connaissance d'autrui.

J'avais lu ici ou là pas mal d'articles sur ce livre, parfois enthousiastes, parfois beaucoup moins : babelio, libfly, je rajoute donc mon grain de sel, très favorable (j'ai toujours un a priori positif pour les livres d'Annie Ernaux) et je conclus en comblant le souhait de l'auteure qui, sortant du rayon culturel pour se diriger vers les caisses se pose la question de l'achat du livre en grande surface : "Après tout, déposer un livre sur le tapis de la caisse me gêne toujours, comme un sacrilège. Je serais pourtant heureuse d'y voir un des miens, extirpé d'un caddie, glisser entre une plaquette de beurre et des collants." (p. 62) ; je ne peux confirmer pour les collants, mais le beurre et Regarde les lumières mon amour étaient bien, il y a quelques mois sur le tapis de la caisse du Super U que je visite régulièrement (le beurre est fini depuis longtemps, heureusement, le livre tout juste il y a quelques jours, mais il n'a pas de date de péremption…)

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20 janvier 2015

C'est un petit livre de souvenirs, écrits en paragraphes n'ayant pas forcément de lien direct entre eux. Valérie Mréjen parle de son grand-père, de sa grand-mère, de leurs maris et femmes respectifs et variés, de sa mère, de son père, de ses oncles et tantes... Beaucoup de personnages, mais même si je n'aime pas les récits à multiples individus, je ne m'y suis jamais perdu. Dans un paragraphe, l'auteure introduit un nouvel arrivant, un oncle ou une tante par exemple, puis le paragraphe suivant lui est consacré, qui évoque en sa fin un autre membre de la famille dont on parlera dans le paragraphe suivant. Un peu comme la comptine enfantine "Trois petits chats, Chapeau de paille...".

Je me retrouve dans beaucoup de souvenirs de Valérie Mréjen, sans doute parce que nous sommes de la même génération, nous avons grandi dans les années 70, avec les motifs à grandes fleurs oranges et marron : "Parmi ses robes, il y en avait une que je préférais. Elle était blanche en matière synthétique, avec un col chemise et une fine ceinture dont la boucle était recouverte de tissu. Il y avait des motifs en forme de sphères marron et beige (nous étions dans les années soixante-dix)". (p.18). Les expressions toutes faites qu'employaient ses parents et grands-parents aussi me parlent, pas forcément les mêmes, mais d'autres au sens similaire, «Nous avions aussi un livre intitulé Tout l'univers..." (p.38), nous aussi ! Une encyclopédie dans laquelle nous faisions nos recherches pour le travail d'école (c'était bien avant Internet).

Si je partage le contexte des souvenirs de Valérie Mréjen, ma famille ne ressemblait pas à la sienne : "Mon grand-père amenait ses maîtresses chez lui et faisait l'amour avec elles en couchant ma mère dans le même lit. Ma grand-mère, dont c'était le deuxième mari, demanda le divorce." (p.7), c'est sans doute pour cela qu'elle a matière à parler et pas moi -sans oublier en plus le talent pour l'écrire, bien sûr, même si en lisant ce texte, je me dis que c'est le genre d'écrit que je pourrais produire, l'écriture est simple, directe, claire et limpide ; ce sont de courts paragraphes, écrits "comme ils viennent " sans souci d'un quelque classement chronologique ; ils sont drôles, tragiques, tragi-comiques, dramatiques, légers, parfois sans intérêt particulier ; une sorte d'inventaire des souvenirs ; mais lorsque je réfléchis un peu et malgré la relative simplicité du texte et des propos, je me résous à ne pas pouvoir passer à l'écrit, parce que justement ce n'est pas si simple et que chacun son métier, je ne suis pas écrivain et ne souhaite pas l'être. Valérie Mréjen, elle, fait preuve d'une plume sensible et forte, directe, aucun mot n'est superflu.

J'aime ces petits textes lorsque rien ne manque ni rien n'est en trop.

PS : j'ai écrit mon article comme si ce livre était un recueil de souvenirs réels, mais peut-être me trompé-je, peut-être est-ce un travail d'imagination de la part de l'auteure ?